Ne constitue pas un abus de biens sociaux le fait pour le dirigeant d’une holding de faire accorder par celle-ci un prêt, au taux de 3 %, à une autre société dont il est gérant aux fins de financer l’acquisition de son domicile familial.
Pour financer l’acquisition de son domicile familial, le dirigeant d’une SAS holding – société dont lui et son épouse étaient seuls associés – avait engagé cette société dans un prêt accordé à une société civile immobilière, qui avait initialement les mêmes associés que ceux de la holding (et à terme la holding elle-même à hauteur de 5 %), et était dirigée par la même personne.
Ce montage pouvait paraître suspect puisque s’apparentant à un prêt par la première société consenti à son dirigeant, opération rigoureusement prohibée par l’article L. 225-43 du code de commerce ; et d’autant plus suspect qu’il s’agissait de financer l’acquisition d’un logement pour le dirigeant et sa famille. En d’autres termes, à une fraude à la loi commerciale se superposait un abus de biens sociaux. Le dirigeant avait agi dans un but purement personnel en faisant souscrire à la société prêteuse un acte contraire à ses intérêts, obérant gravement sa trésorerie – pour près de sa moitié et pour une longue durée (le prêt s’étalant sur quinze ans), sans compter que sa trésorerie constituait le seul patrimoine de la SAS – et sans rapport avec l’intérêt social d’une holding financière.
C’est en ce sens que la cour d’appel a justifié la condamnation prononcée.
Pour autant, la chambre criminelle a reproché aux juges du fond de ne pas avoir caractérisé l’usage contraire à l’intérêt social (l’arrêt de la Cour de cassation vise par erreur l’intérêt social de la SCI alors qu’il s’agit à l’évidence de celui de la SAS holding).
Certes, l’article L. 225-43 du code de commerce (applicable aux SAS, sur renvoi opéré par l’article L. 227-12) sanctionne le prêt consenti par une société à son dirigeant, ce qui ne correspondait pas à la situation en cause, l’intéressé n’étant pas partie à l’emprunt, qualifié, dès lors, de convention de trésorerie par la Cour de Cassation … qui permet à cette dernière censurer la Cour d’appel par l’affirmation qu’une convention de trésorerie n’entre pas dans le champ d’application des opérations interdites par l’article L. 225-43 du code de commerce et le constat, par ailleurs, de l’existence d’un taux de 3 % pour la rémunération du prêt.
On peut relever que l’article L. 225-43 du code de commerce interdit « les emprunts », ne spécifiant nullement que ceux-ci soient sans intérêts, ces emprunts étant faits « sous quelque forme que ce soit ». Ils peuvent donc parfaitement se déguiser en conventions de trésorerie artificieuses. En privilégiant des apparences masquant mal la réalité, la Cour de cassation fait ici la part belle à un comportement contestable.
Cass. crim., 28 sept. 2016, n° 15-87.232, n° 3937 F-D